En réponse aux circonstances exceptionnelles résultant de la pandémie de coronavirus, la revue annuelle de l’AIE sur l’énergie mondiale a élargi sa couverture pour inclure une analyse en temps réel des développements à ce jour en 2020 et des orientations possibles pour le reste de l’année.
En plus d’examiner les données sur l’énergie et les émissions de CO2 de 2019 par combustible et par pays, pour cette section de la Revue mondiale de l’énergie, nous avons suivi la consommation d’énergie par pays et par combustible au cours des trois derniers mois et dans certains cas – comme l’électricité – en temps réel. Certains suivis se poursuivront sur une base hebdomadaire.
L’incertitude entourant la santé publique, l’économie et donc l’énergie pour le reste de l’année 2020 est sans précédent. Cette analyse trace donc non seulement une trajectoire possible en matière de consommation d’énergie et d’émissions de CO2 en 2020, mais met également en évidence les nombreux facteurs qui pourraient conduire à des résultats différents. Nous tirons des enseignements clés sur la manière de gérer cette crise qui ne se produit qu’une fois par siècle.
La pandémie actuelle de Covid-19 est avant tout une crise sanitaire mondiale. Au 28 avril, on comptait 3 millions de cas confirmés et plus de 200 000 décès dus à la maladie. Grâce aux efforts visant à ralentir la propagation du virus, la part de la consommation d’énergie exposée aux mesures de confinement est passée de 5 % à la mi-mars à 50 % à la mi-avril. Plusieurs pays européens et les États-Unis ont annoncé qu’ils prévoyaient de rouvrir certaines parties de l’économie en mai, avril pourrait donc être le mois le plus durement touché.
Au-delà de son impact immédiat sur la santé, la crise actuelle a des implications majeures sur les économies mondiales, la consommation d’énergie et les émissions de CO2. Notre analyse des données quotidiennes jusqu’à la mi-avril montre que les pays en confinement total connaissent une baisse moyenne de 25 % de leur demande d’énergie par semaine et les pays en confinement partiel une baisse moyenne de 18 %. Les données quotidiennes collectées jusqu’au 14 avril dans 30 pays, représentant plus des deux tiers de la demande énergétique mondiale, montrent que la dépression de la demande dépend de la durée et de la rigueur des confinements.
La demande mondiale d’énergie a diminué de 3,8 % au premier trimestre 2020, l’essentiel de l’impact se faisant sentir en mars, lorsque les mesures de confinement ont été appliquées en Europe, en Amérique du Nord et ailleurs.
- La demande mondiale de charbon a été la plus durement touchée, en baisse de près de 8 % par rapport au premier trimestre 2019. Trois raisons ont convergé pour expliquer cette baisse. La Chine – une économie basée sur le charbon – a été le pays le plus durement touché par le Covid‑19 au premier trimestre ; le gaz bon marché et la croissance continue des énergies renouvelables ailleurs ont mis à rude épreuve le charbon ; et le temps doux a également limité l'utilisation du charbon.
- La demande de pétrole a également été fortement touchée, en baisse de près de 5 % au premier trimestre, principalement par la réduction des secteurs de la mobilité et de l'aviation, qui représentent près de 60 % de la demande mondiale de pétrole. Fin mars, l’activité mondiale du transport routier était inférieure de près de 50 % à la moyenne de 2019 et celle de l’aviation, de 60 %.
- L’impact de la pandémie sur la demande de gaz a été plus modéré, autour de 2 %, les économies basées sur le gaz n’ayant pas été fortement touchées au premier trimestre 2020.
- Les énergies renouvelables ont été la seule source à afficher une croissance de la demande, tirée par une plus grande capacité installée et une répartition prioritaire.
- La demande d’électricité a été considérablement réduite suite aux mesures de confinement, avec des répercussions sur le mix énergétique. La demande d’électricité a été réduite de 20 % ou plus pendant les périodes de confinement total dans plusieurs pays, la hausse de la demande résidentielle étant largement compensée par la réduction des activités commerciales et industrielles. Pendant des semaines, la forme de la demande a ressemblé à celle d’un dimanche prolongé. La réduction de la demande a accru la part des énergies renouvelables dans l’approvisionnement en électricité, car leur production n’est pratiquement pas affectée par la demande. La demande a chuté pour toutes les autres sources d’électricité, notamment le charbon, le gaz et l’énergie nucléaire.
En analysant l’année entière, nous explorons un scénario qui quantifie les impacts énergétiques d’une récession mondiale généralisée provoquée par des restrictions de plusieurs mois sur la mobilité et l’activité sociale et économique. Dans ce scénario, la sortie des profondeurs de la récession liée au confinement n’est que progressive et s’accompagne d’une perte permanente et substantielle de l’activité économique, malgré les efforts de politique macroéconomique.
Le résultat d’un tel scénario est que la demande d’énergie diminue de 6 %, la plus forte depuis 70 ans en termes de pourcentage et la plus importante jamais enregistrée en termes absolus. L’impact du Covid‑19 sur la demande énergétique en 2020 serait plus de sept fois supérieur à celui de la crise financière de 2008 sur la demande énergétique mondiale.
Tous les carburants seront concernés :
- La demande de pétrole pourrait chuter de 9 %, soit 9 mb/j en moyenne sur l’ensemble de l’année, ramenant la consommation de pétrole aux niveaux de 2012.
- La demande de charbon pourrait diminuer de 8 %, en grande partie parce que la demande d’électricité sera inférieure de près de 5 % au cours de l’année. La reprise de la demande de charbon pour l’industrie et la production d’électricité en Chine pourrait compenser des baisses plus importantes ailleurs.
- La demande de gaz pourrait chuter beaucoup plus sur l’ensemble de l’année qu’au premier trimestre, avec une baisse de la demande dans les secteurs de l’électricité et des applications industrielles.
- La demande d’énergie nucléaire diminuerait également en réponse à une baisse de la demande d’électricité.
- La demande d’énergies renouvelables devrait augmenter en raison des faibles coûts d’exploitation et de l’accès préférentiel à de nombreux systèmes électriques. La récente croissance de la capacité et la mise en service de certains nouveaux projets en 2020 stimuleraient également la production.
Selon notre estimation pour 2020, la demande mondiale d’électricité chutera de 5 %, avec des réductions de 10 % dans certaines régions. Les sources à faible teneur en carbone dépasseraient de loin la production au charbon à l’échelle mondiale, prolongeant ainsi l’avance établie en 2019.
Les émissions mondiales de CO2 devraient diminuer de 8 %, soit près de 2,6 gigatonnes (Gt), pour revenir aux niveaux d’il y a 10 ans. Une telle réduction d’une année sur l’autre serait la plus importante jamais réalisée, six fois supérieure à la précédente réduction record de 0,4 Gt en 2009 – provoquée par la crise financière mondiale – et deux fois plus importante que le total combiné de toutes les réductions précédentes depuis la fin de l’année. de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, comme après les crises précédentes, la hausse des émissions pourrait être plus importante que la baisse, à moins que la vague d’investissements visant à relancer l’économie ne soit consacrée à des infrastructures énergétiques plus propres et plus résilientes.
Heure de publication : 13 juin 2020